Lettre émouvante d'une activiste de Greenpeace derrière les barreaux en Russie

Lettre émouvante d'une activiste de Greenpeace qui raconte ses journées passées derrière les barreaux

Alexandra Harris, l'une des 30 personnes arrêtées pendant l'action de protestation de Greenpeace, décrit dans une lettre sa peur à l'idée de "moisir en prison à Mourmansk"

[Ce document est la traduction d'un article de The Guardian, publié le 18 octobre 2013]

Alexandra Harris sur l'Arctic Sunrise de Greenpeace avant son arrestation, avec d'autres activistes, en Russie. Photo : Denis Sinyakov/Greenpeace

Ceci est un extrait d'une lettre envoyée à sa famille la semaine dernière par Alexandra Harris, l'une des six Britanniques détenus et inculpés de piraterie en Russie suite à une action de protestation de Greenpeace contre le forage pétrolier en Arctique.

Dimanche 13 octobre

Chers Maman, Papa et Georgie,

Il fait très froid maintenant. Il a neigé la nuit dernière. La tempête de neige a brusquemment ouvert ma fenêtre, qui est très mal isolée, et j'ai dû dormir avec mon bonnet. Je suis nerveuse à l'idée de passer l'hiver ici. J'ai un radiateur dans ma cellule, mais avec le vent de l'Arctique, l'endroit reste très froid. J'ai entendu dire qu'à partir de décembre, Mourmasnk est dans le noir pendant six semaines. Bon dieu, j'espère être sortie d'ici-là.

Il ne se passe pas grand chose le week-end en prison. C'est clairement les deux pires jours de la semaine. Au moins pendant la semaine je vois mon avocat et je reçois des nouvelles. Jeudi dernier j'ai enfin pu voir quelques-unes des lettres que les gens m'ont envoyées. C'était tellement agréable que j'en ai pleuré. Il y en avait une qui venait de vous. Georgie m'a fait rire parce qu'elle a fini en disant "Garde la tête haute". Ha ha ! Je suis en prison mais je vais essayer de garder la tête haute.

Le dimanche, c'est aussi le soir des horribles boulettes de viande ! Beurk ! Les filles ont ri parce que je connais déjà le menu par coeur. Mais j'ai pu prendre une douche aujourd'hui, cà c'est bien. La douche est comme une cascade. C'est agréable.

Je devrais aller au tribunal la semaine prochaine pour ma demande de libération sous caution, ce qui n'a aucun intérêt car elles ont déjà été rejetées. Mais je ferais n'importe quoi pour sortir de ma cellule pour la journée ! Et si j'ai de la chance, je verrai peut-être certains des autres.

 

Georgie, la soeur d'Alexandra Harris, tient une pancarte appelant à sa libération devant l'ambassade de Russie à Londres. Photo : John Cobb/Greenpeace

Je suis inquiète de ce qui va se passer. J'ai des moments de panique, mais alors j'essaie de me dire qu'il n'y a rien que je puisse faire d'ici et ce qui arrivera arrivera, alors ça ne sert à rien de s'angoisser. Mais c'est dur. Tout de même, mon avenir ne consiste pas à moisir en prison à Mourmansk ?! Eh bien j'espère bien que non.

Être en prison, c'est comme mourir lentement. On perd son temps à rêver à l’avenir et on compte les jours. C'est un tel gaspillage de passer deux mois ici, et j'espère vraiment que ça ne durera pas plus longtemps. Ceci étant dit, je commence à m'y habituer. Je fais un peu de yoga. J'ai du mal à méditer, quand même - trop de soucis à l'esprit, je suis sûre que vous me comprenez. La chaîne musicale aide beaucoup. Ils passent "I Will Survive" tous les soirs alors Camila [Speziale, une activiste argentine également en détention] et moi, nous tapons sur le mur en rythme pendant la chanson. Cela aide aussi vraiment de parler aux filles chaque jour. On arrive encore à avoir des fous-rires, ce qui est plutôt positif étant donné les circonstances. Nous avons tous reçu un appareil en métal pour chauffer l'eau - pendant plusieurs jours j'ai cru que c'était un fer à boucler les cheveux. Quand je me suis plainte aux filles en disant que l'équipe d'assistance aurait pu m'envoyer quelque chose de plus utile qu'un fer à boucler, elles étaient pliées de rire !

J'ai du mal à m'habituer au lit. J'aurai hâte d'avoir un massage en sortant d'ici.

Je suis une personne différente maintenant, je suis plus forte. Je pleure moins, ce qui est une bonne chose. Et j'apprécie tellement la vie. Je ne tiendrai plus rien pour acquis maintenant.

J'espère que vous allez tous bien. J'espère aussi que l'on ne nous oublie pas progressivement dans l'actualité. J'essaie très, très fort de ne pas perdre espoir.

Je vous aime, Alex xxxx

[Rappel du lien pour écrire à l'ambassade de Russie et demander la libération de l'équipage : http://www.greenpeace.org/france/fr/getinvolved/free-our-activists/]