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Free the Arctic 30 !
27 octobre 2013

Témoignage de Pavel Litvinov paru dans le Washington Post

Ceci est la traduction d'un article rédigé par Pavel Litvinov publié le 26 octobre dans le Washington Post. Il s'agit du témoignage du père de Dima Litvinov, actuellement détenu en Russie pour avoir manifesté pacifiquement contre le forage pétrolier en Arctique. Pour toute interprétation, se reporter au document d'origine en anglais : http://www.washingtonpost.com/opinions/facing-russian-prison-for-a-peaceful-protest/2013/10/25/7de96ca6-3cc3-11e3-b7ba-503fb5822c3e_story.html

Mon fils, qui risque une peine de prison en Russie pour avoir manifesté pacifiquement

(Igor Podgorny/Associated Press) - Dans cette photo publiée par Greenpeace International, l'activiste Dima Litvinov est enfermé dans la « cage des accusés » dans le tribunal du district de Mourmansk, en Russie, le 23 octobre dernier

L'auteur de cet article, un ancien dissident soviétique et professeur de mathématiques et physique retraité, est membre du Conseil d'administration de la Fondation Andreï Sakharov.

Ma famille vient d'être frappée par un événement catastrophique. Il y a un mois, mon fils, Dima Litvinov, âgé de 51 ans, a été emprisonné dans la ville de Mourmansk, en Russie, au nord du Cercle polaire.

Dima a la triste particularité de pouvoir peut-être incarner la troisième génération de prisonniers politiques de notre famille.

Les photos où on le voit menotté et enfermé dans une cage en acier ont fait le tour de la planète. Il fait partie des Arctic 30, un groupe d'activistes de Greenpeace composé de deux journalistes, un médecin, un cuisinier et d'autres membres de l'équipage du brise-glace Arctic Sunrise. Ils représentent 18 pays. Dima et le capitaine du navire,  Pete Willcox, sont les seuls Américains.

Dima est né en Russie et, à l'âge de 6 ans, il m'a rejoint dans un village de mineurs en Sibérie, où j'ai été condamné à l'exil et aux travaux forcés. Il a passé quatre ans là-bas avec moi. Après cela, nous avons été forcés de quitter la Russie, et Dima a grandi aux États-Unis. Il a obtenu une licence puis une maîtrise d'anthropologie à la Wesleyan University. Dans les années 1980, il a rejoint l'organisation écologiste Greenpeace.

Comme il parlait couramment le russe, il a été invité à travailler comme interprète pour la première action de Greenpeace, consacré à l'île arctique de Nouvelle-Zemble, où le gouvernement soviétique a enterré des déchets nucléaires accumulés après des années d'essais nucléaires. Les autorités soviétiques ont arrêté et emmené les activistes de Greenpeace, parmi lesquels Dima, à Mourmansk.

Après plusieurs jours, ils ont été libérés et sont retournés sur leur bateau, après avoir obtenu la grâce personnelle, arrivée par télégramme, de Mikhail Gorbatchev, alors président de l'URSS. C'était une période de grand espoir de changement dans les relations entre la Russie et l'Occident et d'amélioration de la coopération dans la défense de l'environnement.

Dima, qui vit maintenant à Stockholm avec sa femme, Anitta, et trois enfants, a continué à travailler pour Greenpeace, ce qu'il fait depuis plus de vingt ans.

Le 18 septembre, l'Arctic Sunrise était dans les eaux internationales et à plus de 500 mètres d'une plate-forme pétrolière appartenant au géant pétrolier russe Gazprom. Plusieurs zodiacs de Greenpeace se sont approchés de la plate-forme, et ceux qui étaient à bord ont tenté de placer une banderole sur la paroi de la plate-forme pour protester contre le forage pétrolier dans l'Arctique, une région particulièrement vulnérable.

Leur tentative a été pacifique mais infructueuse, et ils sont retournés sur l'Arctic Sunrise. Ensuite, les commandos russes ont attaqué le navire. Ils ont effectué plusieurs tirs de sommation, sont descendus en rappel d'hélicoptères et ont forcé les gens à bord à s'allonger sur le pont froid du bateau.

Tous ont été amenés à la prison de Mourmansk et accusés d'acte de piraterie en haute mer, un chef d'accusation passible de 15 ans de travaux forcés.

Des experts du droit du monde entier ont rapidement rejeté l'accusation de piraterie. Dans le droit russe comme dans le droit international, une plate-forme pétrolière, qui est statique, ne peut faire l'objet d'un acte de piraterie. En d'autres termes, une île ne peut être considérée comme un navire.

La piraterie fait aussi intervenir une action préméditée des attaquants visant à s'accaparer les biens de quelqu'un d'autre pour leurs propres intérêts. Enfin, elle doit s'accompagner de violence ou de menace de violence.

Mercredi dernier, suite à un recours juridique déposé par les Pays-Bas, la Russie a modifié leur chef d'accusation, et l'a remplacé par celui de « hooliganisme », qui est passible d'une peine maximale de sept ans de prison ferme. Ce chef d'accusation implique que la personne a utilisé un objet comme une arme, ou avait une motivation fondée sur la haine (le groupe de Greenpeace ne peut être classé dans aucune de ces catégories) et qu'elle ait résisté aux autorités. Greenpeace applique toujours le principe de non-résistance.

Il y a un an, des activistes de Greenpeace avaient organisé une action pacifique similaire, et avaient placé une banderole sur la même plate-forme pétrolière sous les yeux des garde-côtes russes. Personne n'avait essayé de les arrêter, et l'action était passée presque inaperçue au niveau des médias mondiaux, et donc du monde, à l'époque.

Greenpeace est une organisation internationale bien connue qui n'utilise que des moyens pacifiques. Ses principes sont basés sur une tradition d'action non violente. Ses membres n'ont jamais recours à la violence, alors qu'elle est souvent utilisée contre eux.

Amnesty International, Human Rights Watch et 11 lauréats du prix Nobel de la Paix et des millions de personnes à travers le monde ont appelé à la libération des Arctic30.

Dima et ses compagnons encourent de longues peines de prison parce qu'ils aiment et défendent la nature. Il s'agit dans ce cas de l'Arctique russe, qui est menacé par des forages insensés et dangereux.

Je ne sais que trop bien ce que signifie une peine de prison en Russie. J'ai été arrêté pour avoir participé en 1968 à une manifestation contre l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie. Lev Kopelev, le grand-père maternel de Dima, un écrivain soviétique, a passé huit ans dans les camps de prisonniers soviétiques parce qu'il avait protesté contre les pillages et les viols commis par les officiers et soldats soviétiques à l'encontre de la population allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, à l'époque où il combattait l'armée nazie.

Le grand-père de Dima a été arrêté sous Joseph Staline, et moi, le père de Dima, j'ai été arrêté sous Leonid Brejnev. L'Union soviétique n'existe plus, mais Dima a été arrêté sous la présidence de Vladimir Poutine, un ancien membre de la police secrète soviétique, le KGB. Le temps ne serait-il pas venu de briser ce cercle vicieux ?

 

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